Alcool et conduite : Histoire de l’éthylotest

Bien que la mesure du taux d’alcool intéresse l’homme depuis 1874, ce n’est qu’à partir des années 1900 que la recherche à ce sujet avance. Cela est directement lié à la démocratisation de la voiture, faisant de la consommation d’alcool au volant un fléau.[1]
Dès 1910, l’état de New-York établi que la conduite sous influence de l’alcool est un délit. Mais sans outils de mesure, le prouver au tribunal était quasiment impossible. Les forces de l’ordre devait chercher des signes d’alcoolisation physiques, par exemple, des yeux injectés de sang, une odeur d’alcool, la coordination générale du conducteur…[2]
Ce n’est qu’à partir de la fin des années 20 qu’apparurent les premiers appareils permettant de mesurer le fameux taux.

Premiers outils de mesures :

En 1927, le docteur américain Emil Bogen établit la relation suivante, il y a autant d’alcool dans 2100 ml d’air alvéolaire que dans 1 ml de sang.[3]
Cette découverte permit à R.N Harger d’inventer en 1931  le « Drunkometer », ou « ivressomètre » en français.  L’invention fut brevetée en 36 puis testée et approuvée en 38.[4]
Le procédé consiste à faire souffler la personne testée dans un ballon. L’air expiré descend dans une solution chimique, dont la coloration change en fonction du niveau d’alcool contenu. Plus l’alcoolémie est élevée, plus le changement de couleur devient flagrant. À l’époque, les échantillons dont la concentration était connue servaient de bases de comparaisons afin de déterminer le taux d’alcool mesuré.
Drunkometer, breath alcohol content invented by Dr.Harger
Bien qu’il fût impossible d’avoir une mesure très précise, différents états américains utilisaient le « Drunkometer » lors de contrôles routiers dès 1940. L’année suivante arrivèrent sur le marché l’Intoximeter, inventé par Glenn Forrester, et l’Alcometer, inventé par Léon Greenberg. [5] Tous deux utilisent le même procédé que le Drunkometer, les principales différences étant dans le design de l’appareil et le choix des réactifs chimiques.
L’éthylotest d’aujourd’hui se rapproche plus du « breathalyzer », inventé en 1954 par Robert F. Borkenstein, premier éthylotest « électronique ». Le breathalyzer original contenait deux photocellules, deux filtres, un dispositif de prélèvement de l’échantillon d’haleine et environ six fils. [6]
Le fonctionnement est simple, L’air alvéolaire expiré est stocké dans un récipient équipé de piston. Lorsque que la diode « full » s’allume, le breathalyzer doit être mis en mode analyse. Les pistons vont pousser l’air dans la solution de test, qui change de couleur en présence d’alcool. Les deux photocellules compare le filtre test au filtre standard et affiche le % d’alcool dans le sang en fonction, calcul basé sur les travaux des professeurs Widmark et Bogen.
Le « Breathalyzer » constituait une amélioration significative par rapport aux premiers appareils et nécessitait moins de compétences pour fonctionner. Pour la première fois, les résultats de l’analyse étaient traités électroniquement.
Borkenstein et son "Breathalyzer" premier éthylotest actuel
Le premier éthylotest totalement électronique fut développé 15 ans après, en 1967, par William Ducie et Tom Parry Jones. [7]
Les éthylotests électroniques actuels découlent tous du « Breathalyzer » de Borkenstein. Avec le temps, la fiabilité et la précision se sont grandement améliorés. L’ensemble des avancées technologique a catalysé le développement de la recherche entraînant ainsi le durcissement de la législation dans le monde.

Recherches portant sur l’influence de l’alcool sur la conduite :

En 1922, le professeur Erik Widmark établit une formule permettant d’évaluer la quantité d’alcool par litre de sang, en fonction du sexe de la personne et de l’heure de la consommation. Cette formule fut le point de départ de toutes les recherches portant sur les effets de l’alcool. [8]
En se basant sur cette formule ainsi que les différents appareils disponibles, plusieurs recherches ayant pour objectif l’étude de la conduite sous influence furent menées.
En 1935, une étude britannique a mis en exergue le danger de l’association alcoolémie/conduite. Puis, en 1950, le professeur G.C Drew prouva, à l’aide d’un simulateur de conduite, que les effets pervers de l’alcool sur les réflexes commençaient à partir de 0,2 grammes par litres de sang.[9] [10]
Ce qui mena à l’étude dite « de Grands Rapids » en 1966, qui démontra que la probabilité d’être impliqué dans un accident en fonction de l’alcoolémie est exponentielle. En approfondissant les résultats, il fut établi qu’à 0,8 g/L le risque est 2,7 fois supérieur à celui d’un conducteur sobre, et qu’à 1,5 g/L il est 22 fois plus élevé.[11] [12]

Et maintenant ?

Aujourd’hui, l’alcool est responsable de 41 000 décès par an en France, toutes causes confondues. Depuis son invention, l’éthylotest a été majoritairement utilisé dans le domaine de la sécurité routière, que ce soit pour établir des législations ou les appliquer. Nous disposons aujourd’hui d’un outil précis, qui progressivement s’étend sur d’autres domaines, tels que la sécurité des postes sensibles en entreprise ou le suivi de l’alcoolo-dépendance. L’objectif final étant d’étendre son utilisation partout où l’alcool pose problème.
 

Bibliographie :

  1. https://ajph.aphapublications.org/doi/pdf/10.2105/AJPH.67.7.679
  2. https://www.nysdwi.com/history-of-dwi-laws/
  3. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1655515/?page=1
  4. https://www.nytimes.com/1983/08/10/obituaries/rolla-n-harger-dies-invented-drunkometer.html
  5. http://www.icadtsinternational.com/files/documents/1974_045.pdf
  6. https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/002580246200200103
  7. https://en.wikipedia.org/wiki/Tom_Parry_Jones
  8. Widmark EMP. Eine Mikromethode zur Bestimmung von Äthylalkohol im Blut. Biochem. Z. 1922; 131:473-484.
  9. https://catalogue.nla.gov.au/Record/2369260
  10. Drew G.C., 1950. The effect of alcohol on human efficiency with special reference to driving; Department of Scientific and Industrial Research (DSIR) and Medical Research Council (MRC); Research Note 1291
  11. https://www.researchgate.net/publication/287668034_The_role_of_the_drinking_driver_in_traffic_accidents_The_Grand_Rapids_Study
  12. Compton R.P., Bloomberg R.D. et al., 2002. Crash risk of alcohol involved driving; ICADTS Conference, Montreal.

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